Dis bonjour !

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Je tente, depuis un bout de temps maintenant, de comprendre, et parfois de me défaire, de ses habitudes dictées par une société qui me ressemble de moins en moins. Par ce billet d’humeur, je ne tente pas à vous pousser dans la même réflexion que moi mais juste vous faire comprendre qu’il est possible, que nous avons le droit de nous poser des questions, que la société ne détient pas la vérité vraie et que nous devons le lui rappeler de temps à autre.

Que ce soit par deux, par trois ou par quatre, en France et dans de nombreux pays, nous nous disons bonjour en se faisant la bise. Cela nous parait tellement naturel qu’à aucun moment nous avons imaginé remettre cette « tradition » en doute. Et pourtant, un petit garçon, Maxence*, m’a inconsciemment amené à me poser la question : Qu’est-ce que c’est, véritablement, de faire la bise ?
Depuis que nous sommes enfant, nos parents ne cessent de répéter « dis bonjour » dès que nous nous retrouvons en société. Cependant, « dis bonjour » est synonyme de « fais un bisou à… » Et entre « dire » et « faire », la définition n’est absolument pas la même.
Maxence est mon neveu et je peux vous assurer qu’il a un caractère bien trempé. Malheureusement, je n’ai pas la chance de voir ma famille quand bon me semble alors dès que je vois mon tout jeune neveu, j’ai tout de suite envie de lui faire des bisous, mais lui, ne l’entend pas ainsi.
Si en général, les enfants se contentent de s’essuyer la joue d’un revers de manche tout en grimaçant, Maxence, lui, clame haut et fort qu’il ne veut pas de bisou, allant jusqu’à se cacher le visage avec ses mains. « Dis au revoir, Maxence » lui dit son père. « Mais j’ai dit au revoir » chouine le garçon et c’est vrai, il l’a dit un peu plus tôt mais refuse de « faire » cet au revoir. Cet enfant a manqué un peu de délicatesse envers sa tante mais les enfants ne sont pas très doués pour être courtois, personne ne lui en tiendra rigueur mais en aucun cas, il a manqué de politesse. Cela ne devrait-il pas suffire ? Doit-on continuer à inculquer les enfants à faire la bise ?

Évidemment, je suis passée par une période « mon neveu ne m’aime pas. En même temps, il me voit si peu souvent… » « Mes bisous doivent être horribles… ». Je vous rassure, je ne suis pas du genre à pleurer sur mon sort bien longtemps, la position de victime je lui règle son compte rapidement et c’est à ce moment qu’une longue réflexion débute…
En réfléchissant bien, faire la bise est un geste plutôt intime. Nous posons nos lèvres sur une peau et nous recevons des lèvres sur la nôtre. Si nous prenons plaisir à enlacer nos proches, voir la bouche du cousin de la voisine de palier s’approcher de nous, peut nous sembler oppressant.
Donc, si ce geste est intime et malgré tout l’amour que je porte à mon neveu, dois-je le forcer à se soumettre à cette tradition ? Après tout, c’est sa peau et il est en droit d’en disposer selon ses souhaits. Si pour le moment, il perçoit les bisous d’autrui comme une agression, je ne veux pas qu’il me voit de cette façon, il en est hors de question ! Alors, comment changer tout ça ? Comment redéfinir le « dis bonjour »?
Lorsque la famille se réunie, n’ayant pas le permis de conduire, le covoiturage est de mise. Me voilà assise à l’arrière de la voiture, Maxence est à mes côtés. Je redoute un peu le moment mais c’est l’heure de vérité. Après avoir lancé un « bonjour » général pour l’ensemble de personnes présentes dans le véhicule, je me tourne vers mon neveu et je me dis qu’il redoute, peut-être aussi, ce moment. Je tends mon bras vers lui, le point fermé et je lance un « tu check avec ta tante ? »
Maxence, bientôt 8 ans, que j’ai toujours vu bouder lorsqu’il doit « dire » bonjour, sourit jusqu’aux oreilles et check sa tante avec son petit point.

Je vous avoue être un peu frustrée de ne pas pouvoir lui faire un bisou ou deux mais la journée commence tout juste et voir mon neveu aussi ravi qu’on respect enfin ses désirs me donne du baume au cœur.
Les heures passent et voilà qu’arrive le quart d’heure de jeu. Maxence a commencé le judo et il en profite pour me montrer et me faire subir quelques prises et moi, j’en profite pour lui poser un bisou sur le haut du crâne et oh, que vois-je ? Une jolie nuque… Il ne ronchonne pas, il ne fuit pas et j’ai pu lui transmettre un échantillon de l’affection que j’ai pour lui. Seconde « victoire » pour tata !
C’est la fin de la journée, il est tard, il est temps de rentrer. J’ai eu droit à quelques moments de jeux avec Maxence et même s’il triche beaucoup aux cartes, ils me sont très précieux. La voiture est arrivée devant chez moi, je m’apprête à descendre quand Maxence se met à chouiner : « Mais pourquoi tata elle ne mange pas avec nous ? » Nos maisons sont trop loin l’une de l’autre, on se fera ça une prochaine fois. Il est un peu déçu, moi aussi à vrai dire, on check pour se dire au revoir même si à ce moment précis, j’ai l’impression qu’il aurait volontiers accepté un bisou de sa tata. Maxence avait envie que je reste et ça, c’est la plus belle des victoires !

J’ai commencé cette journée en étant « un moment redouté » et je l’ai fini en étant « une tata ». Il y a des tas de façons pour exprimer les sentiments que l’on éprouve pour nos proches mais la plus belle preuve d’amour qu’on puisse leur offrir c’est de respecter leurs besoins et leurs désirs et cela, même au détriment des traditions et de nos propres désirs.

Et vous, aimez-vous les bisous ?


Rose Palmyre

*Le prénom a été modifié.